Joker : frénésie chaotique
Des sourires, des larmes, de la tension, de la révolte, de la folie et des éclats de rire. Noyé dans un Gotham sombre et impitoyable, Arthur Fleck se perd dans un néant sans fin, sans limite. Toujours plus bas, toujours plus loin, comme un électron mais qui n’est pas encore libre. Enchaîné, mais à l’écart de la société. Il n’est plus maître de son corps et laisse son inconscient s’exprimer. Au paroxysme de la folie, le personnage sombre petit à petit dans les ténèbres du vide, de la colère, de la vengeance et de l’isolement. Se créer un personnage pour exister. Peindre son visage pour grimer toute trace d’humanité. Changer. Une folie maladive qui va devenir l’arme ultime d’un Joker en construction.
Nuancer les couleurs, nuancer la musique, nuancer les dialogues mais aussi le cours de l’histoire. Todd Philips livre un film décousu mais complètement géré. Chaque seconde et chaque plan sont des instruments menés à la baguette par un chef d’orchestre. Comme la Sonate au Clair de lune du grand Beethoven, ce qui commence doucement monte en crescendo, jusqu’à atteindre le point d’orgue ultime au troisième mouvement. Les partitions de la violoncelliste Hildur Guðnadóttir habillent ces plans silencieux qui livrent des émotions tranchantes et profondes. Chaque vibration de l’archet sur les cordes captive l’attention, coupe le souffle et arrête le temps.
Manier les ombres comme Friedrich Wilhelm Murnau, manier le suspens comme David Fincher et manier la caméra comme Orson Welles. S’inspirer librement de l’unique Martin Scorsese, de son Taxi Driver et de sa Valse des Pantins. Voilà donc le septième art qu’a voulu présenter Todd Philips. Prenant sous son aile le personnage le plus torturé d’Hollywood : Joaquin Phoenix. Énigmatiques, en marge de la société et talentueux, l’acteur et le Joker ne font plus qu’un. Un seul et même être humain, incompris par le reste du monde. Et le résultat devient une fusion parfaite.
J.S
